Adapter un cours de yoga aux personnes rondes… pourquoi faire ? C’est ce que nous allons voir dans cet article !

Une société grossophobe

Faut-il rappeler que la racine du mot Yoga est le terme sanskrit « Yuj », le joug qui relie deux parties opposées, le bœuf et l’attelage ? Arnaud Desjardins le traduit par « la réconciliation des opposés » (1).

Cet art de vivre né en Inde, il y a plus de 5000 ans, a conquis nos cœurs d’occidents bien plus récemment, au XXème siècle.

Ce même XXème siècle qui a vu naître ce que les professionnels de santé qualifient d’épidémie. Non, je ne parle pas du Covid mais de l’obésité !

L’obésité qui se définit par une accumulation excessive de masse grasse dans le corps.

Aujourd’hui, elle touche 17% des Français. D’ici 2030, ce sera un Français sur huit. (2)

Sachant que la moitié de la population européenne est déjà en situation de surpoids.

Le surpoids est défini par l’Indice de Masse Corporelle (IMC), le rapport entre le poids et la taille au carré. Un IMC « normal » se situe entre 20 et 25. Le surpoids commence à partir de 25, puis à partir de 30 on parle d’obésité.

J’aimerais soulever deux points par rapport à ces données.

Le problème des définitions

Le premier est l’utilisation du terme « surpoids ». On voit tout de suite qu’il implique l’idée de maigrir ! Pourtant, c’est le terme communément utilisé dans le monde médical. Si ça me choque, c’est parce que à force de recherches, j’ai appris que le surpoids en lui-seul n’est pas un facteur de mauvaise santé. (Je ne parle pas d’obésité, c’est un autre débat : lire l’article qui résume le livre « La Vérité sur l’obésité »).

Or, la plupart des gens font l’amalgame : gros = en mauvaise santé.

L’IMC

De plus, l’IMC a lui-seul présente de nombreuses limites. Un rugbyman ou un bodybuilder, très musclé, sera techniquement en situation d’obésité. 

Aussi, « notre société crée des obèses mais ne les accepte pas » (Jean Trémollières).

Une personne grosse est considérée comme paresseuse et gloutonne. La preuve ? Le slogan du gouvernement « Manger bouger » !

Comme s’il suffisait de manger moins et bouger plus pour maigrir. On occulte la pluralité des causes, la responsabilité de la société pour tout mettre sur le dos des individus.

Dès le plus jeune âge, être gros est un handicap. Harcèlement, moqueries, exclusion… qui se poursuivent à l’âge adulte. Difficultés à s’habiller, à s’assoir, ou même discrimination à l’embauche et invisibilité sur le marché de la séduction sont le lot des personnes en situation d’obésité. 

Lire l’article : les lois de l’obésité.

Ces personnes elles aussi grossophobes, puisque nous sommes tous baignés dans la culture des régimes et de la minceur depuis le plus jeune âge. Il suffit de regarder la couverture d’un magazine féminin à l’approche de l’été : silhouette du mannequin, articles « perdez trois kilos avant l’été », publicités pour crèmes anti-cellulites et programmes minceur…

C’est donc la double peine pour ces personnes : stigmatisées pour leur poids qu’elles n’ont pourtant pas choisi, elles souffrent déjà de tous les désagréments liés à un corps lourd, au manque d’adaptation de la société et du regard des autres.

Mais en plus, si elles ont le courage de franchir la porte d’une salle de sport, elles vont se faire dévisager. Se sentir mal à l’aise car en minorité. Et souffrir pendant le cours faute d’options proposées…

Quand elles ne se verront pas carrément refuser l’accès !

En tout cas, c’est déjà arrivé à des cours de yoga.

Où est l’union dans tout ça ?

L’adaptation du yoga aux personnes rondes.

Que peut-il se passer dans la tête d’un professeur de yoga qui refuse une personne jugée trop grosse à son cours ?

Tout d’abord, le professeur n’a probablement jamais appris à adapter son cours aux formes généreuses. Il craint donc de mettre l’élève en difficulté. 

Ensuite, nous l’avons vu nous sommes tous grossophobes. Ce qui signifie qu’on a énormément d’idées reçues sur le surpoids. Il peut y avoir l’idée sous-jacente que la personne ne va pas tenir le rythme du cours (si c’est un Vinyasa ou Ashtanga par exemple) ou ne pourra pas faire certaines postures « avancées ». 

Pourtant, chaque jour sur Instagram je vois des professeurs de yoga américaines aux formes XXL (3) qui prennent des postures acrobatiques comme le scorpion ou le grand écart. 

Faire du yoga quand on est gros – Photo Canva

Mais comme nous manquons de représentation de corps gros, en particulier dans le monde du yoga, on a du mal à penser que c’est possible ! 

Si comme moi vous êtes accros à Instagram, je vous invite à suivre des hashtags comme Yogacurvy, Yogaplussize, Yogaforall …

 

Venir au yoga pour maigrir ?

Certaines personnes parlent du yoga comme d’un sport. Cela a tendance à me hérisser le poil, car j’y vois quelque chose de bien plus grand. Disons plutôt une philosophie, un art de vivre ou encore une discipline. Voire la définition du yoga comme une école orthodoxe de la philosophie indienne ayant pour but d’atteindre la libération, moksha en sanskrit. (4).

Je pense que cette réduction à l’aspect corporel vient de la modernisation du yoga et son adaptation à l’occident. Prendre un cours de yoga, c’est souvent ne faire que des postures. Ou tout du moins, des postures pendant la plus grande partie du cours. 

Nos corps raidis par la sédentarité, et nos esprits dispersés par l’instantanéité des réseaux sociaux sont bien incapables de s’assoir tout de go en lotus pour méditer pendant une heure !

Le problème est donc le manque de représentation des autres facettes du yoga que l’aspect corporel, les postures.

Beaucoup consomment un cours de yoga comme un cours de fitness ou de stretching, pour brûler des calories ou s’assouplir…

Mais, on peut venir au yoga pour perdre du poids, et y revenir pour la paix intérieure !

Quelle que soit la porte d’entrée, le yoga apporte de nombreux bienfaits physiques et psychologiques. 

Devrait-on priver certaines catégories d’individus de ces bienfaits ? A quel titre ?

Nous l’avons vu, pour les personnes rondes les seules raisons seraient une méconnaissance et un manque de formation.

Cela tombe bien, je propose une formation en ligne pour adapter son cours de yoga aux formes voluptueuses. Plus d’excuse côté professeur, donc ! 

Mais côté élève ? Comment expliquer que la moitié de la population occidentale est en surpoids, et que la majorité des élèves en cours sont minces ?

Pourquoi n’y a-t-il quasiment que des élèves minces en cours de yoga ?

Barrières physiques

Même si à force de travail et de persévérance, une personne très ronde peut aussi arriver à faire des postures difficiles, il n’en reste pas moins qu’il y a plus de chair à placer !

Et ce volume corporel peut être limitant. Un professeur mince ne se rend pas toujours compte qu’une poitrine généreuse va donner la sensation d’étouffer dans la charrue.

Qu’un ventre volumineux va bloquer dans la torsion assise « Ardha-matsyendrasana ». 

Que des cuisses fortes vont empêcher de coller les pieds en Tadasana. 

Le yoga traditionnel a été fait par des hommes pour des hommes (avec des hanches moins larges que les femmes, donc !).

Barrières mentales

De plus, une personne lambda va peut-être se demander à quoi elle ressemble dans certaines postures, jeter un coup d’œil au miroir etc. Une personne forte va encore plus se préoccuper de son apparence par crainte du regard des autres.

Le stéréotype de la yogini 

Il suffit de taper « yoga » sur Instagram, ou dans n’importe quelle bibliothèque d’image pour voir apparaître un défilé de jeunes femmes blanches, minces, souples, musclées… parfois même en tenue très légère voire sexy ! 

Ne serait-on pas un peu éloigné de la voie qui mène à l’éveil ? 

Lorsque j’ai posé la question à une ancienne collègue de pourquoi elle n’avait jamais fait du yoga, alors que ça l’attire, elle m’a répondu : « ce n’est pas pour moi, il faut être mince ! ».

Alors oui, c’est plus facile de se tordre comme un bretzel quand on est mince. Et si on arrêtait de ne montrer du yoga QUE les postures, comme le même type de corps ? Je donne des pistes de communication plus inclusive dans mon webinaire offert « Adapter son cours de yoga au surpoids : luxe ou nécessité ? ».

Dans la peau d’une personne grosse

Revenons dans la peau de notre aspirante yogini en rondeurs. Que se passe-t-il si j’arrive à la convaincre de venir prendre son premier cours ?

Déjà, elle va avoir du mal à trouver une tenue à sa taille, confortable ou elle se sente jolie.

Ensuite, elle va être en minorité et se sentir mal, sauf si elle a vraiment une super confiance en elle. 

Enfin, à moins que le professeur soit formé aux formes, elle risque de manquer d’options et peut-être même d’un regard bienveillant – mais pas complaisant !

L’importance de l’adaptation du yoga pour les formes généreuses

Une personne ronde va avoir deux types de besoins spécifiques. Une adaptation des postures à sa morphologie, et un discours d’acceptation, de bienveillance qui autorise à relâcher (mais pas en posture de l’enfant !), à s’écouter, ne pas se comparer. Ahimsa, la non-violence, qui devrait commencer envers soi-même ! Car une personne ronde a d’autant plus besoin de reprendre confiance en elle et en son corps…

La posture de l’enfant, ou le concept de double punition

Mais alors, pourquoi ne pas relâcher en posture de l’enfant ? 

Parce que cela peut être humiliant, si les autres élèves font des enchaînements comme la salutation au soleil de se retrouver prosterné. 

Parce que cela est loin d’être toujours confortable, quand on est gros ou pas souple.

C’est d’ailleurs l’avantage d’apprendre à adapter les postures : cela servira aux personnes rondes, mais aussi aux débutants, personnes raides etc. 

Reprenons balasana. Voici quelques idées d’adaptations :

  • Ouvrir les genoux plus au moins.
  • Placer manuellement la chair du ventre au moment de s’y installer.
  • Glisser une couverture sous les genoux.
  • Utiliser une brique sous le front, une autre sous le sternum. 
  • Ou alors, superposer les poings ou les avant-bras sous le front.
  • Proposer une autre posture plus confortable le cas échéant, comme le héros, assis sur les talons ou le tailleur.

Pour chaque posture, il existe souvent de nombreuses variations, avec ou sans accessoires. En tant que professeur, je continue d’en découvrir régulièrement, parfois grâce à mes élèves qui ne manquent pas de créativité !

D’où l’importance de les encourager à adapter par eux-mêmes, ne pas « corriger » à outrance, du moment qu’il n’y a pas de risque de blessure…

J’aime l’idée d’un yoga décomplexé, où chacun se sent libre et bien tel qu’il est déjà !

Pas un yoga-performance où on scrute qui a le legging le plus cher, qui va le plus bas en grand écart et qui a perdu le plus de calories sur sa montre connectée.

Les bienfaits du yoga pour les personnes rondes

Le yoga m’a personnellement beaucoup apporté pendant les dix-quinze ans où j’ai souffert de troubles du comportement alimentaire. 

Là aussi, attention au discours du prof ! Une collègue professeur de Pilates disait sur ses réseaux « je m’entraîne aujourd’hui pour pouvoir rentrer dans mon leggings » … Ouvrons les yeux sur nos pensées grossophobes, pour ne pas les perpétuer !

Donc, le yoga m’a tout d’abord aider à trouver un autre moyen que la nourriture pour vivre mes émotions. 

Le yoga m’a offert un espace sécurisé, sans comparaison. J’arrive sur mon tapis avec mes problèmes, mon stress de la journée. Je ressors légère, comme sur un nuage ! 

Et se sentir légère quand on est un surpoids, c’est un sacré cadeau.

Le travail de la respiration m’a fait découvrir cet espace de paix à l’intérieur de moi. 

M’a donné confiance en moi et en mon corps.

Car le yoga permet d’apprivoiser nos sensations, en se mettant à l’écoute. En allumant chaque partie du corps avec les postures et la respiration, comme on allumerait les pièces de sa maison. 

Arrêter la guerre contre son corps et ses kilos. Lâcher-prise. 

Trouver un autre objectif de vie que maigrir ! L’éveil spirituel, c’est quand même plus classe que rentrer dans un 38 non ? 

Adapter le yoga aux rondeurs : une nécessité – photo Canva

Conclusion

Chacun devrait pouvoir pratiquer le yoga s’il le souhaite. Jeunes, seniors, pauvres ou aisés, noirs ou blancs, minces ou gros, valides ou non. 

Mais nous l’avons vu, sans représentation de la diversité ni adaptation des cours à certaines spécificités morphologiques comme les rondeurs, les barrières à la pratique sont nombreuses !

Pourtant, dans une société grossophobe – lorsque j’interroge un groupe de 20 femmes pour savoir qui a déjà fait un régime, 18 lèvent la main- il est d’autant plus important pour les personnes rondes de réinvestir leur corps. Prendre leur place dans la société. S’accepter et s’aimer ! Et quelle merveilleuse voie que le yoga pour apporter plus de douceur dans les cœurs et faire de son corps un temple plutôt qu’un champ de bataille. 

Professeur de yoga, ayons à cœur que chaque élève se sente à sa place en cours, tel qu’il est déjà ! Je serai ravie de vous accompagner dans ce chemin, à commencer par le guide offert « Adapter son cours de yoga au surpoids ».

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8 commentaires

  1. C’est important de rendre ces activités accessibles à tout le monde loin des préjugés et stéréotypes ambiants.
    Une guerre contre les mauvais ennemis sans prendre en compte tous les facteurs liés au surpoids et l’obésité ne fonctionnera jamais. C’est triste.

  2. Très intéressant cet article.
    C est vrai que la société a besoin d évoluer encore sur l image des personnes rondes et d adapter les sports pour que ce soit accessible à chacun!

  3. Un article très parlant qui, je l’espère, va décomplexer le femmes et leurs donner envie de pratiquer le yoga pour toutes les raisons que tu as évoqué! C’est un article autant pour les profs pour qu’ils arrêtent avec le culte de la minceur et pour les pratiquantes ou futures pratiquantes pour qu’elles essaient un cours pour ressentir le mieux être!

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