Selon l’OMS, l’obésité serait une maladie… vraiment ? Dans ce cas, pourquoi les thérapies, nutritionnistes, sport adapté ne sont-ils pas pris en charge ? Pourquoi on continue à accuser l’individu d’être gros ? Une interview qui démonte les idées reçues sur les corps gros et propose des pistes concrètes pour une meilleure santé des personnes grosses ! Merci à Lisa de « Mon gros podcast » d’avoir accepté mon invitation et d’oser remettre en cause le concept d’obésité-maladie !

Voici la transcription :

C : Bonjour Lisa !

L : Bonjour, merci de m’accueillir je suis ravie !

C : Tu es l’autrice de « Mon gros podcast ».  J’ai le plaisir de t’accueillir pour débattre d’un sujet qui est l’obésité, et notamment savoir si l’obésité est une maladie.

Je vais te laisser te présenter 

L : je suis Lisa, j’ai 46 ans. J’ai effectivement créé mon Gros podcast il y a quelques mois maintenant. On en est autour du 20ème épisode !

Je suis sur Instagram depuis un petit moment avec un autre compte, About french curvy Journey, où au départ je publie énormément en anglais… parce que la majorité des comptes sur le fat activisme était vraiment principalement anglophone.

Les maladies chroniques

 Et c’est comme ça que je suis entrée dans la déconstruction de ma propre grossophobie, prendre conscience de la grossophobie de la société, me faire mon opinion, mes choix…

Et il s’avère que dans les dernières années, j’ai été diagnostiquée de plusieurs maladies chroniques. Et donc ça changé ma perspective, parce que le rapport avec le corps médical est difficile quand on est gros. Maintenant que j’ai des maladies chroniques, je dois voir beaucoup plus souvent le corps médical. Une de mes maladies principales, c’est le diabète et c’est une maladie incroyablement stigmatisée quand on est une personne grosse. 

C’était primordial pour moi de trouver ma voie sur tout ça.

Stabiliser son poids

Comment moi je veux vivre ma vie en tant que personne grosse ? Parce que à ce stade je ne perdrai plus de poids. 

Mon corps n’est plus en mesure de perdre du poids… ça je l’ai validé vraiment avec plein de professionnels, à cause des milliers de régimes précédents, de l’effet yoyo. Monter, descendre, monter puis descendre… et maintenant que j’ai des maladies installées, j’arrive à stabiliser mon poids.

Je ne prends plus de poids, c’est une bonne nouvelle et c’est le plus important d’ailleurs pour les médecins donc grossophobes.

Et juste pour corriger ce que tu as dit dans l’intro, le fait que je ne pense pas que l’obésité est une maladie, tu as dit « contrairement à l’idée générale » mais pour de vrai on est très nombreux à ne pas le penser.

C’est à dire que le courant de la médecine, la politique de santé publique, les décisions de l’OMS etc. vont dans ce sens-là. Les laboratoires pharmaceutiques, les médecins etc.

 Mais il y a énormément de gens qui sont comme moi : pas du tout convaincus par ce sujet !  Et qui sont très intéressés par le débat qu’on va avoir.

Parce que c’est difficile d’être soigné quand tout est masqué par le fait que l’obésité est une maladie !

Gros ou obèse ?

 Je fais une dernière précision : on va beaucoup utiliser le terme « obésité » ici aujourd’hui parce qu’on va parler de l’aspect maladie, et que c’est le terme qu’utilise le corps médical.

Mais moi je n’utilise pas ce terme pour me définir.

Moi je dis que je suis grosse, ça fait vraiment partie de mon chemin de réappropriation de mon corps de me réapproprier ce mot.

Moi je dis que je suis grosse, ça fait vraiment partie de mon chemin de réappropriation de mon corps de me réapproprier ce mot. »

Pendant très longtemps, je me suis appelée ronde… mais en fait non je suis au-delà des courbes, je suis grosse !

Et je pense que ça aussi, le fait de ne pas oser employer ce terme ça participe à la grossophobie. C’est un adjectif qualificatif, ça ne veut rien dire d’autre que ça, même si aujourd’hui c’est utilisé comme une insulte.

Lire l’article : « Faut-il avoir peur du mot grosse ? ».

 Mais voilà, moi je ne dis pas que je suis obèse, j’ai beaucoup d’autres maladies mais je ne pense pas que celle-là en est une. Donc moi je dis juste que je suis une personne grosse et pas obèse.

Femme grosse
Se ré approprier le mot « grosse » – Photo Pexels

Déconstruire la grossophobie

J’entends les médecins le dire, mais moi ce n’est pas un terme que j’utilise.

 On va l’utiliser aujourd’hui parce qu’on parle maladie.

C : tout à fait,  c’est très intéressant ce que tu dis ! Alors je vais juste faire une parenthèse pour me présenter. Je suis Claire Castagne, professeur de yoga spécialisée pour les formes voluptueuses et j’ai à cœur de lutter contre la grossophobie. Sachant qu’on est tous grossophobes, puisque c’est malheureusement notre culture ! Le plus important c’est d’en prendre conscience pour pouvoir lutter contre. Pour que chacun se sente à l’aise tel qu’il est, que ce soit au quotidien ou dans sa pratique du yoga…

Ce que tu viens de dire est très juste, et me fait penser un documentaire que j’ai vu juste hier sur Arte. Un sujet complètement différent : la pop culture et l’appropriation de la sexualité par les femmes. Justement, beaucoup de rappeuses utilisent des mots comme Bitch, bad Bitch etc. en se désignant elles-mêmes.

C’était bien expliqué que le fait de s’approprier des termes utilisés par le patriarcat comme des insultes, permet de donner moins de poids.

Et je pense que c’est exactement pareil pour le mot « gros ». C’est très important de le neutraliser, de sortir de ses tripes que c’est quelque chose de négatif… Même si on nous a bassiné quand on était gamin de « grosses vaches » …

Et bien non, gros c’est comme blond ou petit, ni plus ni moins.

L :  la déconstruction du mot « gros » vient du collectif Gras politique et notamment de Daria et Eva qui ont publié le livre « Gros n’est pas un gros mot » que je recommande vraiment. C’est ça la réalité, c’est un adjectif qualificatif, et on peut lui enlever tout ce qu’il y a d’insultant. C’est le descriptif de notre corps.

C :  exactement ! Et d’ailleurs, pour revenir à l’obésité je vais quand même définir de quoi on parle.

Définir l’obésité

C’est un terme médical, au même titre que le surpoids… et on peut tout de suite voir la connotation négative. « Surpoids », ça induit qu’il faudrait maigrir !

L : ça induit qu’on est au-dessus d’un poids, mais au-dessus de quel poids ?

C : voilà c’est ça poids normal, qu’est-ce que la normalité ? Toute la question est là !

L’obésité se définit par une accumulation excessive ou anormale de masse grasse, mesurée par l’IMC (l’indice de masse corporelle) comme le rapport entre le poids sur la taille au carré. Donc un poids « normal » c’est entre 20 et 25. Pour l’IMC au-delà de 25 on passe en surpoids, et à partir de 30 c’est ce que les médecins considèrent comme situation d’obésité.

 D’ailleurs je dis situation, parce que j’aime bien mettre un parallèle avec le handicap en termes de vocabulaire. C’est assez violent de dire « un handicapé », c’est mieux de dire une « personne en situation de handicap » je pense…

Lire l’article : Yoga et handicap, témoignage et conseils.

L : il faut quand même faire attention, et s’adapter aux personnes ! De la même façon que « gros » n’est pas un gros mot, il y a aussi des personnes handicapées qui veulent assumer et déconstruire ce mot-là.

Adapter son vocabulaire

Et du coup je pense qu’il faut surtout s’adapter à la personne. Si la personne s’appelle grosse, me dire « tu es obèse » ben c’est un peu insultant, parce que je t’ai donné l’autorisation de dire que j’étais grosse. Inversement, si moi je m’appelle « ronde » et quelqu’un me dit « tu es obèse », ben ce n’est pas très cool non plus… mais donc il faut pour pas être trop dans le validisme et l’infantilisation. Il faut laisser chacun choisir les termes qui lui conviennent. Toi, quand tu t’es présentée tu as dit que tu étais spécialisée pour les formes voluptueuses. 

Pas pour personnes grosses. C’est ton choix, et en ce sens il est complètement respectable. Moi je dirais que je fais du yoga pour les gros ou pour les personnes grosses.

 Il faut être vigilant et laisser à la personne concernée le choix des termes qu’elle utilise.

 Chacun est différent, au niveau de sa déconstruction. Le plus important pour les alliés, c’est de s’adapter au discours et aux termes qu’on emploie… ou tout simplement de poser la question !

De dire « est-ce que ça te dérange quand moi je dis handicapé ou est-ce que tu préfères qu’on dise « personne à mobilité réduite ? » ».

C : Les mots ont un impact ! Quand je forme les profs de yoga, c’est un sujet que j’aborde. Je fais noter tous les mots qui viennent à l’esprit en parlant du surpoids, quelle que soit la connotation (négative, positive ou neutre). Et on voit tout de suite à quel point les personnes peuvent associer des qualités ou au contraire des insultes !

Cela montre à quel il y a énormément d’idées reçues qui sont ancrées en nous à ce sujet… et le but c’est de ne pas blesser les personnes !

L :  c’est pour ça qu’il vaut mieux demander, s’intéresser, s’interroger…  On a le droit de se tromper ! C’est la même chose avec le genre : les gens ne nous attendent pas avec des mitraillettes si on se trompe de genre. Par contre, si la personne dit trois fois « moi je veux que tu me genres Il » et que on continue de la genrer « Elle » … ça ne va plus du tout !

Que parfois, ce ne soit pas une évidence, c’est OK et il suffit de demander ! Personne ne se vexera !

Cependant les gens évoluent aussi…

Moi, il y a sept ans je n’aurais jamais parlé comme je parle aujourd’hui ! Je ne me ferais pas appeler « grosse ». Si tu m’avais fait dresser la liste d’association, ça aurait été vraiment l’horreur ! Et c’est grâce à des comptes comme les nôtres ou plein d’autres contenus, qu’on peut déconstruire cela… et surtout être plus en paix !

C : Merci pour ces précisions ! Pour terminer sur la définition de l’obésité, elle concerne aujourd’hui quand même une personne sur six dans nos sociétés occidentales.

Cela représente 17% de la population, sachant que c’est en progression constante.

Pour donner un une comparaison, le surpoids concerne la moitié de la population européenne.

Pourquoi on parle d’obésité-maladie ? Avant l’interview, j’ai regardé ce que Google disait à propos de ça… j’ai eu les principaux sites de référence santé :

  • Alors Ameli.fr : l’obésité est une maladie chronique de la nutrition 
  • L’INSERM :  l’obésité est une maladie des tissus adipeux, donc du gras,
  •  Le professeur Jean-Pierre Faure « l’obésité est une maladie chronique évoluant par poussée, qui ne guérit pas et qu’il faut soigner tout au long de sa vie »
  •  Enfin l’OMS- et ça c’est sûrement le plus cité, depuis 2014- qui considère que l’obésité est une maladie chronique et complexe …

Donc voilà, toute la première page de Google, c’était l’obésité est une maladie ! Je pense que le contre-courant vient des personnes grosses elles-mêmes, mais bizarrement on ne prend jamais leur avis en ce qui concerne les décisions, comme le rapport gouvernemental… Corps cool a dénoncé le rapport parlementaire qui se construit sans les personnes grosses !

Médecin
L’obésité maladie, un concept médical. Photo Pixel

L : Corps cool mais Gras politique et Fat ethnographie, parce que ce n’est pas la première fois que ça arrive… là il y a ce rapport où ils ont proposé à des personnes concernées de venir en parler avec certains parlementaires… ce qui est une très bonne idée ! Mais pour les personnes concernées ils ont fait une sélection un peu étrange, notamment le fait que Gras politique n’est pas invité alors qu’en France, c’est vraiment l’association la plus ancienne ou qui a créé le plus de contenu, qui fait le plus de choses… et ils n’ont pas été invités ! Même leur nom, c’est « Gras politique » donc c’est un collectif dédié au fait de gérer les aspects politiques de la grossophobie… et pas juste le fait d’apprendre à s’aimer. Mais plutôt le côté « comment on vit dans une société grossophobe quand on est gros ? ».

Et je trouve ça très dommage qu’ils ne soient pas autour de la table. Parce qu’il faut vraiment des experts, qui puissent aussi parler au nom d’autres personnes. C’est une opportunité unique de pouvoir s’adresser à des parlementaires qui vont créer une loi, et c’est très important qu’il y ait la voix des personnes concernées et pas que des labos pharmas ou des médecins qui, comme tu viens de le dire, font partie des gens qu’on voit dans Google qui vont dire c’est une maladie.

La grossophobie

Le problème de l’IMC

Mais je reviens sur l’IMC, parce que moi je ne crois pas beaucoup à l’obésité-maladie mais c’est parce que, par définition l’IMC n’est pas pour moi une grille satisfaisante, et à laquelle on peut vraiment faire confiance ! Parce que le rapport taille-poids ça ne suffit pas. Un athlète haltérophile aura un IMC très élevé alors qu’il est 40 fois en meilleure santé que moi, en tout cas beaucoup plus musclé que moi ! Il n’a pas le même niveau de graisse que moi et donc ça ne prend pas en compte des tas de choses en termes d’habitudes, de milieux sociaux….

« L’IMC n’est pas une grille satisfaisante ».

 Enfin comme le dit la définition de l’OMS, l’obésité c’est complexe, ça ne se résume pas à un rapport taille-poids ni au fait que les personnes mangent trop ! C’est beaucoup plus complexe. Ils ont changé la grille au début des années 2000 : l’OMS a changé les critères d’où commence le surpoids, l’obésité, l’obésité morbide etc.

Et du coup dans la nuit on a eu des millions de gens qui sont devenus en surpoids et qui ne l’étaient pas ! 

C : ah c’est dans ce sens-là ? Pour les vêtements j’ai l’impression que les normes -par exemple une taille 40 il y a 10 ans était beaucoup plus petite qu’une taille 40 aujourd’hui ?

L : pas du tout, non ça dépend ! Il y a une femme qui a montré dans une même marque : elle a pris 5 jeans de la même taille, et les cinq jeans sont différents ! Donc non !

Tout à l’heure quand tu disais qu’il y a des millions de gens en surpoids, j’allais faire une remarque très ironique.

 Donc le fait que les personnes concernées soient si nombreuses, c’est exactement pour ça qu’on n’a toujours pas de fringues de façon satisfaisante et acceptable !

C’est pour ça que à chaque fois qu’il y a des soldes, les seules tailles qui restent c’est du 38… mais que pour autant ils ne produisent pas assez de choses qui correspondent aux vraies gens. 

C’est pour ça qu’on n’a pas accès à des IRM dans lesquels on peut rentrer avec nos corps… ça fait partie des choses qui me rendent dingue !

Arrêtons l’hypocrisie

Si vraiment, vous voulez aller sur la thématique de l’IMC, des chiffres… enfin les trucs que font les dirigeants,  ok très bien ! Du coup, puisque vous vous rendez compte qu’on est quand même très nombreux, il faut arrêter de croire qu’on va s’adapter à la société ! Il faut que la société s’adapte à nous en fait !

Il faut arrêter de croire qu’on va s’adapter à la société ! Il faut que la société s’adapte à nous ! »

C : pour passer au niveau individuel, c’est exactement comme la personne qui veut maigrir, et qui garde ses fringues trop petites- ou achète ses habits une taille en dessous – pour le jour où j’aurais perdu X kilos…

 Résultat, on n’a plus d’habits à sa taille ! Et bien la société, c’est exactement le même concept avec les gros. Comme on veut les faire maigrir, on veut qu’ils rentrent dans le moule, et on croit que c’est en gardant toutes ces choses inadaptées que ça va marcher ! 

Pourquoi vouloir faire maigrir les gros ?

L : Mais le point de départ est faux

Le point de départ, est-ce qu’on a vraiment besoin de faire maigrir les personnes grosses ? Non ! Et il y a de plus en plus d’études, et de médecins qui constatent que ce n’est pas fun d’être gros, mais ce n’est pas fun d’être gros dans une société grossophobe ! Dans une société qui intègre les gens, eh bien ça se gère…  Comme être très grand, c’est une caractéristique, et c’est gérable

 Mais surtout, quelle hypocrisie ! On a décidé qu’un corps gros, c’est un corps qui n’était pas ok … donc on n’adapte rien, et ça va sans doute vous motiver à ne pas rester dans ce corps ! Donc, ça valide l’idée que c’est un choix, ce corps… j’ai juste décidé de me retrouver dans un corps gros, un matin je me suis dit « allez hop, maintenant ça me ferait trop plaisir » ! 

C’est comme ceux qui nous disent que quand on montre des corps gros, on glorifie l’obésité… mais évidemment, parce que c’est tellement fun d’être obèse, j’adore ! Mais dire à tout le monde de le devenir…on tourne en rond ! 

Il y a 80 ans, on s’est dit ok, il faut faire maigrir les gros. Très bien, on investit là-dedans : Weight Watchers, les régimes… ça fait 80 ans !

Tu viens de le dire, les chiffres montrent qu’il y a de plus en plus de gens en surpoids. Donc, est-ce qu’on peut tous se dire « ça ne marche pas » en fait ?!

C : ça ne marche pas !  Manger bouger, tout ça… mais le problème derrière c’est qu’il y a un business !

L’obésité-maladie, d’après qui ?

L : on arrive à ton intro de, pourquoi le fait de considérer l’obésité comme une maladie peut être intéressante… moi je pense qu’elle est surtout intéressante pour le business et c’est là où ça ne me convient pas. 

Les régimes font grossir sur le long terme
Les régimes sont la cause du problème, pas la solution ! Photo Pexel

Si vraiment on ne peut pas faire changer d’avis les décideurs, parce que ça fait un très long moment qu’on fait ces raccourcis obésité-maladie, l’OMS l’a institué…

Ok, donc si on ne peut pas revenir là-dessus, dans ces cas-là, au minimum on arrête l’hypocrisie !

Et on forme les personnes à gérer des gens cette soi-disant maladie.

On fait en sorte qu’il y ait du matériel pour gérer les gens qui ont cette maladie.

On fait en sorte d’arrêter de dire « ah non je ne peux pas t’opérer de ta vésicule biliaire parce que tu es grosse, mais je peux t’opérer de ton estomac qui n’est pas malade parce que ça on sait que ça va te faire maigrir, donc là on est d’accord pour te faire une anesthésie » !

 Ça arrive aujourd’hui en 2023 en France ! Moi c’est mon cas… ma vésicule est pétée, pas à cause de l’obésité. J’ai fait plusieurs complications, la posologie pour ces complications c’est d’enlever la vésicule. C’est ce qu’on fait pour toute personne qui n’aurait pas mon IMC.

Et moi, on m’a dit non : le bénéfice risque n’est pas ok, donc on ne prendra pas le risque vous anesthésier pour enlever la vésicule.

Alors que vous pourriez faire la chirurgie d’obésité !

Si vous êtes d’accord de me couper un organe sain pour me faire perdre du poids, pourquoi vous n’êtes pas ok de m’endormir pour m’enlever celui qui déconne ?

C : c’est incroyable !

Formons les médecins

L : aux États-Unis on arrive à opérer des gens, et je connais certaines personnes grosses dans d’autres villes que la mienne qui ont été opérées de la vésicule… donc il y a vraiment un côté quand on est gros il faut qu’on aille frapper à douze portes pour supplier quelqu’un. Et tu imagines le stress ? Maintenant que j’ai entendu ça, le jour où ils vont être obligés de me l’enlever, mon anesthésie je vais la vivre en mode panique intégrale !

Et pourquoi on n’apprend pas aux médecins à gérer l’anesthésie des personnes grosses ? On pourrait choisir ça aussi, plutôt que de se dire ben non toi tu gardes ta vésicule en fait… la simplicité ! Parce que eux aussi, comme nous sont grossophobes… et parfois aussi je précise- ne soyons pas binaire ! A l’insu de leur plein gré.

La culture des régimes

On est tous baignés dans la culture des régimes.

 C’est ça à l’origine le problème, c’est la culture des régimes ! Qui nous rend obsessionnel sur la nourriture, sur notre corps, sur la beauté….

 Et le capitalisme, la performance : il faut avoir un corps beau, fort, surtout pas malade… c’est tout cette idée-là qui nous rend grossophobe.

Moi je m’emmerde à compter toutes les calories et à pas manger tous les jours un beignet, et toi tu es gros, tu as le droit de sourire et de t’éclater… ah bah non, on n’est pas d’accord ! Il va falloir fournir des efforts Madame… et c’est vraiment ça qui fait que ça oppose les gens. Il y en a qui arrivent à rentrer dans la culture des régimes…

 Chacun fait comme il peut, mais quand on a des TCA, ce n’est pas de la magie de perdre du poids !

La perte de poids volontaire, dans la durée n’existe pas.

Si on commence les médicaments, on ne peut pas les arrêter. Quand on les arrête, on reprend le poids !

Si on fait un régime, on ne peut pas l’arrêter ou on reprend du poids…

Chirurgie bariatrique

Même pour la chirurgie bariatrique, le taux de réussite est de 40%. Donc ça veut dire un taux d’échec de 60% !

On est OK pour opérer un organe sain, juste pour empêcher de manger. C’est l’inverse de gaver les oies pour le foie gras ! Là on te coupe l’estomac, mais il peut regrossir.  

Si on n’a pas réglé les raisons pour lesquelles je mange en excès, l’estomac va regrossir après l’opération ! 

Tu imagines les gens qui ont fait cet effort incroyable… prendre le risque d’une chirurgie, parfois de faire la chirurgie complémentaire esthétique pour enlever les amas de peau… et 5 ans après, reprennent du poids ?

 Mais comment c’est possible ! C’est une galère incroyable… et pourtant, aujourd’hui puisque l’obésité est une maladie, on rembourse les médicaments et la chirurgie. C’est tout !

Une femme se pince l'estomac
La chirurgie bariatrique, une réduction de l’estomac – photo Pexel

C : si avantage il y a à considérer l’obésité comme une maladie, ça devrait vouloir dire que les activités sportives adaptées sont remboursées…

L : la thérapie ! La nutrition !  On est quand même une majorité à souffrir de TCA… 

Moi on m’a parlé des TCA il y a cinq ou six ans… je suis grosse depuis 25 ans ! On a abordé ce sujet après que j’étais diagnostiqué du diabète, pas avant. On m’a menacée pendant 20 ans : « vous allez être diabétique ! », mais on n’a jamais fait les tests pour vérifier si j’avais une résistance à l’insuline… on m’a juste menacée « ouh là, attention ! Si vous mangez comme ça, vous allez devenir diabétique ! ».

Mais le diabète, chez moi, est lié au SOPK (syndrome des ovaires polykystiques). Il est parfois lié à des facteurs génétiques. Mais si on m’avait diagnostiquée au lieu de me menacer, peut-être que je n’’aurais pas basculé dans le diabète !

Mais non, le plus important c’était de me dire que je mangeais mal, que c’est ma faute, qu’il fallait vraiment que j’arrête les bêtises… et j’en ai fait des régimes !

 Moi je suis grosse parce que j’ai fait des régimes.

J’ai commencé à faire des régimes avant d’être grosse. Quand je regarde les photos aujourd’hui – et honnêtement on est des centaines dans ce cas-là- le corps que j’avais en fin d’adolescence, je devais faire un 40-42… j’étais très sportive donc j’étais musclé mais pas grosse !

Mais il y avait un petit peu de ventre… on m’a envoyée chez Weight Watchers, et ça a été le début de la fin ! A partir de là je n’ai fait que reprendre un, deux puis dix kilos…

Et finalement, aujourd’hui mon système est détraqué ! 

Je pourrais manger de la salade tous les jours, je ne perdrai pas de poids. Je l’ai tenté !

Donc vive les régimes …

C : moi pareil ! A l’adolescence, mon médecin m’a dit que je n’étais ni grosse ni maigre… j’ai entendu « ni maigre » donc je suis grosse ! J’ai ainsi commencé les régimes… 15 ans de boulimie-hyperphagie. La majorité de ma vie d’adulte a été pourrie par les troubles du comportement alimentaire ! Quand je demande à un groupe qui a fait un régime, surtout parmi les femmes, 9 sur 10 lèvent la main ! 

L : je ne connais pas une personne grosse qui n’a pas fait de régime.  Donc, arrivons à la conclusion que les régimes ça ne marche pas !

Et tentons autre chose… Tentons l’acceptation !

« Puisque les régimes ne marchent pas… tentons l’acceptation ! »

L’obésité, facteur de risque et non maladie

Moi je ne pense pas que ce soit une maladie. Je considère que l’obésité- pas le surpoids- est un facteur de risque. Et en tant que facteur de risque, on peut le traiter.

Moi par exemple je suis grosse et diabétique, mon IMC est très élevé donc je suis en obésité sévère. Je n’ai absolument droit à aucune consultation ni thérapie ou nutrition. Je ne suis prise en charge sur rien, à part les médicaments et la chirurgie ! A quel moment on vit avec le diabète uniquement en se shootant de médicaments ?

Ben non… moi je le sais que si j’arrive à vivre avec cette maladie, c’est grâce à mes séances de thérapie, ma nutritionniste, mon kiné… c’est le sport que je fais, c’est la documentation que j’ai…

Mais tout ça, c’est moi qui le gère ! Je suis extrêmement privilégiée par rapport à plein de gens… j’ai les moyens de faire ça, mais quand j’ai fait une demande de reconnaissance de travailleur handicapé pour le diabète, je n’ai aucune aide financière. Tout le monde croit que c’est pour l’obésité, mais non ! C’est une de mes frustrations.

J’ai besoin de me garer à proximité, parce que j’ai des douleurs chroniques… et je lis dans les yeux des gens qu’ils pensent que c’est parce que je suis grosse. Ca me rend tellement triste, de véhiculer un cliché qui est faux !

C’est un gros dossier pour être reconnu travailleur handicapé. C’est très perturbant parce qu’il faut raconter tout son quotidien, avec les maladies pour qu’un comité de médecins évalue le degré de handicap et d’incapacités de travail…  Il faut faire le bilan de ses soins, et de l’argent qu’on dépense, au cas où on pourrait avoir une aide financière.

Remboursez les soins !

Mais vu mon niveau de revenus, moi je n’ai pas d’aide financière. Ce n’’est pas grave, moi je ne veux pas une aide financière en tant qu’handicapé.

Je veux une aide financière si vous considérez que l’obésité est une maladie ! Soyez cohérents ! Je cotise pour la sécurité sociale, ma mutuelle… ce n’est pas des cadeaux qu’on nous fait !

Mais pour autant, la seule chose qu’on me rembourse ce sont mes médicaments.

Du coup, en faisant ce dossier j’ai fait les calculs du montant de mes soins. C’est plus de 5000 euros par an qui sort de ma poche !

Pour la thérapie, la nutrition, le sport… et pour quelque chose que tu n’as même pas choisi !

Si vous voulez que l’obésité soit une maladie, OK. Moi je pense que c’est un facteur de risque.  Moi je n’’ai pas d’enfant, et j’ai cotisé toute ma vie pour les écoles, les allocations familiales… pas de problème, mais moi je suis « malade » ! Prenez en charge les soins pour ma maladie, et pas uniquement les médicaments et la chirurgie.

C : voilà je pense qu’on peut s’accorder à dire si l’obésité n’est pas une maladie, c’est un facteur de risque. J’avais noté :

Maladies cardiovasculaires, diabète, AVC, troubles musculosquelettiques, problèmes respiratoires, hypertension, certains cancers… et j’ajouterai : troubles du comportement alimentaires et dépression. Pour les deux derniers, c’est l’œuf ou la poule, on ne sait jamais dans quel sens l’un entraîne l’autre ! 

L : pourquoi je pense que ce n’est pas une maladie mais un facteur de risque : c’est qu’on n’est pas tous identiques ! La seule chose identique, c’est notre corps gros.

Mais même notre corps gros est différent ! Il y a des personnes qui ont plus de grosseur dans les épaules, d’autres dans les jambes, d’autres dans le ventre ou les fesses… Qu’est-ce qu’on a en commun pour faire de nous une maladie !

« Qu’est-ce que les gros ont en commun, à part la graisse, pour faire de nous une maladie ? Chaque corps est différent ! »

Les gens gros, on les obsède avec ça mais le diabète de type 2. Quel que soit ton pays, ta culture, ton âge, ton corps, ta condition physique… quand tu as un diabète de type 2, c’est que ton corps est défaillant sur la gestion de l’insuline. C’est la même chose pour tout le monde !

Pour l’obésité, est-ce que tous les obèses ont du diabète ? Est-ce que tous les obèses ont les problèmes cardiovasculaires ? Non ! On n’a pas de points communs, à part le fait qu’on ait du gras. Mais on a même pas du gras au même endroit… les dernières études montrent que le gras le plus dangereux, c’est sur l’abdomen. Mais ça, c’est le plus dangereux comme facteur de risque !

Le problème de considérer ça comme une maladie, c’est qu’il y a une espèce de pression à se soigner.

Fumer oui, être gros : non.

C : la cigarette, c’est un facteur de risque de cancer, mais être fumeur n’est pas une maladie !

« La cigarette est un facteur de risque de cancer, mais être fumeur n’est pas une maladie ! »

L : voilà, et puis on vend des cigarettes comme on vend des régimes…  C’est une de mes propositions pour le Parlement : j’aimerais que on n’ait plus le droit de faire la pub pour les régimes, comme on n’a pas le droit de la pub pour des cigarettes ou de l’alcool.

Ou alors, vendez des régimes , mais prévenez tout le monde que les régimes c’est la route vers les TCA, vers l’obésité ! Moi je n’en peux plus des pubs « Comme j’aime », je pourrais démonter ma télé !

Weight Watchers, le contrôle alimentaire

En plus elles viennent en rabâchage constant, c’est insupportable… Ce sont des stars qui vendent du Weight Watchers.

 C’est l’invention du contrôle alimentaire ! Penser l’aliment en bien ou mal. Parce que j’ai fait un peu plus de sport, j’ai le droit de manger un peu plus…

C : ah ça ! Les aliments à zéro point… moi c’était le dernier régime que j’ai tenté, Weight Watchers. Il y a trois ans, j’avais guéri des troubles du comportement alimentaire…  Plouf, comme par hasard je suis retombé dedans ! Parce que le système d’aliments à zéro point, que tu peux manger en illimité… c’est la route vers les compulsions alimentaires, l’obsession !

L : moi j’ai fait Weight Watchers 3 fois. Et je ne l’ai pas fait depuis 20 ans, mais encore aujourd’hui, j’ai les points en tête ! C’est du marketing de dingue. Tu achètes les petits trucs que tu mets sur le frigo, tu coches tes cases, tu te sens super fière quand tu n’as pas consommé tous tes points. Tu as la réunion collective… on institutionnalise un truc qui rend les gens malades, et les médecins valident ! 

Je ne suis pas là pour faire la police de l’interdiction. Moi par exemple j’ai été fumeuse.

Donc j’étais obèse et fumeuse. Jamais de ma vie on ne m’a saoulée avec la cigarette dans les rendez-vous médicaux.

 Jamais ! Mais l’obésité, oui…  Et quand je vais voir un ORL- le spécialiste de la sphère respiratoire, si j’ai un cancer de fumeur ça va être lui mon médecin ! il me parle de faire la chirurgie de l’obésité

 La cigarette ne fait rien de bon pour le corps. Mais manger, c’est un truc obligatoire ! On est obligé de manger tous les jours ! Fumer, non… et vous me saoulez sur ce que je mange, mais pas sur le fait que je fume… mais ce n’est pas ok !

 L’alcool en France : on est au pays de l’alcool festif…  Pourtant on dit à chaque fois que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

Moi j’aimerais que la même chose existe pour les régimes !

Pour moi, l’obésité n’est pas une maladie au sens où on ne peut pas la définir par quoi que ce soit d’autre que la graisse. Et la graisse, c’est quelque chose de vital !

On en a un besoin ! Au début du Covid, les personnes grosses étaient considérées comme fragiles… alors moi, obèse et diabétique j’étais un mort-vivant !

Comme par hasard, au bout de deux ans et demi, finalement on a constaté que les personnes grosses avaient une plus grande résistance. Parce que, comme on doit porter notre poids, notre cœur était mieux entraîné.

 Une étude a calmé le jeu sur le fait qu’on dise qu’être gros c’était une comorbidité pour le Covid. C’est un exemple de grossophobie géante ! On a mis les gros dans les comorbidités hyper importantes, cependant sur la première vague de vaccination on n’était … pour les autres vagues de vaccination, ils ont corrigé ça, mais je ne trouve pas qu’ils auraient dû, parce que ce n’était pas un si grand facteur de risque.

C : ah oui c’est intéressant ! 

L’obésité, facteur inflammatoire ?

Sur le fait que l’obésité soit une maladie, un livre m’avait presque convaincue : « La vérité sur l’obésité ».

Le livre en lui-même, je le recommande. J’ai écrit un résumé dessus à lire ici.

C’est une journaliste scientifique qui l’a écrit, Hélia Hakimi-Prévot. Elle explique comment les tissus adipeux grossissent, soit en volume soit en nombre. A terme, ces cellules adipeuses vont se fibroser, donc il y a une espèce de coque qui se crée autour, qui empêche de libérer la graisse. Et c’est ça qui pose un problème.

 Donc d’après ces explications scientifiques, c’est une question de temps. C’est à dire qu’une personne qui est en début d’obésité, elle pourra être en bonne santé… mais que tôt ou tard, ces cellules vont s’enflammer.

L :   même si les tissus sont enflammés, ça n’induit pas qu’il va y avoir un AVC, un cancer…

On dit que l’obésité est un facteur inflammatoire, moi ça m’a causé beaucoup de tort, parce que j’ai des douleurs chroniques et pendant 5-6 ans c’était toujours « l’obésité c’est un facteur inflammatoire » …

J’ai une autre maladie chronique qu’on a diagnostiquée après, et il y a une partie qui est que j’ai une malformation dans le bas du dos qui a créé un petit espace dans lequel j’ai des poussées d’arthrose, qui sont d’une douleur atroce… Mes douleurs atroces dans le dos, les jambes et dans les genoux, on me dit que c’est normal parce que je suis grosse ! J’ai attendu très longtemps avant d’avoir une radio et qu’on fasse cette conclusion, parce que le premier truc qu’on voit c’est que je suis grosse

Que Tata Gisèle ou mes copines de boulot pensent ça, ok… mais les médecins ?!

La grosseur ne devrait pas masquer quoi que ce soit.

Mais puisqu’on répète aux gens l’obésité est un facteur un syndrome inflammatoire… il y a aussi la fameuse théorie que l’obésité crée un foie gras.

 Fat Doctor Uk a fait une Master Class sur le sujet qui a démontré avec des chiffres que rien ne prouvait qu’il y avait plus d’obèses avec un foie gras que des gens de la vie normale. C’est juste que pour les obèses, on le vérifie plus, donc on le diagnostique plus mais ce n’est pas une corrélation.

C : il faut voir la personne au-delà de son poids !

L : et peut-être qu’à partir de là, elle sera mieux prise en charge…  Moi je n’accepte pas le côté hypocrite.

Ça fait des années qu’on nous explique qu’on est une épidémie, qu’il faut nous éradiquer, qu’il faut faire des montagnes de régime…

 Ça ne marche pas les gars !

Adapter le matériel médical

Mais pour autant, si j’ai besoin de faire une IRM pour tout autre problème de santé, je ne rentre pas dans la boîte.

Moi en l’occurrence, j’y arrive à peu près, mais bonjour la  crise  de claustrophobie !  Mais il y a des tas de personnes grosses qui ne peuvent même pas faire des IRM.

Il y a des personnes grosses qui doivent faire des examens dans des centres vétérinaires !

A quel moment on invente des machines pour pouvoir faire passer une radio à une baleine, et pas une personne humaine ? Il y a plus de matériel pour traiter des baleines, des girafes, des hippopotames, des éléphants… parce que dans la nature, on croit que c’est OK d’avoir les corps de toutes les tailles

Dans l’océan, il y a des baleines, des dauphins… à quel moment on croit qu’une baleine peut devenir un dauphin ?

Ben non, elle ne peut pas ! 

Une baleine en plein saut
Dans la nature, il y a les baleines et les dauphins… on ne cherche pas à faire maigrir les baleines ! Photo Pexels

C : et la baleine est parfaite telle qu’elle, c’est sa condition !

L :  l’histoire des examens, c’est horrible quoi ! Il y a des gens qui doivent aller se peser dans les cliniques vétérinaires. Alors je suis d’accord, c’est forcément une moindre portion de la population… mais si on parle juste des tensiomètres ! Puisque la moitié des gens sont en surpoids ou en obésité, le tensiomètre devrait être adapté !

Moi quand je vais aux urgences ma blouse ne se ferme derrière. Quand je dois être opérée, je ne rentre pas dans les culottes opératoires…  C’est d’une violence !

C : j’ai eu plus de poids par le passé, et un jour chez le gynéco on voulait me faire faire une échographie. Le gynéco m’a dit d’une façon violente : « il y a trop de gras, je ne peux pas voir ! ».

L :  ah j’ai eu la même ! « Je vais être obligé de passer une endo vaginale… », j’étais sur la table à poil. Les gynécos sont censés s’occuper de femmes enceintes par définition, ils vont quand même traiter des femmes grosses parce qu’elles ont un bébé dans le ventre. Et pour autant, tu ne supportes pas de voir un corps gros, et tu es obligé d’engueuler la personne ! Depuis, j’ai une gynéco qui s’excuse à chaque fois parce qu’elle prend une taille de spéculum différente… ça existe les médecins comme ça, heureusement !

C :  maintenant je vois une sage-femme, puisqu’on peut consulter une sage-femme même sans être enceinte ! Et quand je lui ai demandé la pilule, elle a commencé à me dire « ah vous êtes en surpoids techniquement, je ne devrais pas, parce que c’est un facteur de risque… mais comme tout le monde est en surpoids, si je respecte je ne la donne à personne ! ». Ah ben merci, parce que déjà je ne fume plus…

L :  pareil, on m’a plus mise en garde pour la pilule à cause du poids que quand je fumais. Il y a aussi le problème qu’on ne nous inclut pas dans les études cliniques des médicaments. Par exemple, la pilule du lendemain n’est pas très efficace sur les personnes grosses… c’est quand même un truc de fou !

Parce qu’on n’inclut pas les personnes grosses dans les études. Pour la pilule du lendemain, c’est avéré. Je ne dis pas qu’elle ne marche pas, mais elle ne marchera pas aussi bien que sur une personne mince.  Et on ne te prévient pas !

Gras politique a fait toute une campagne là-dessus alerter. 

Du coup, pour les autres médicaments je me pose la question. Est-ce que mon doliprane par exemple est adapté ? Pendant très longtemps on m’a dit que parce que j’étais grosse moi fallait doubler toutes les doses. Mais il y a des médicaments qui n’ont rien à voir avec la taille…

 Si l’obésité est une maladie, formez les gens ! Créez des médicaments qui nous conviennent, du matériel médical adapté…

Moi je maintiens, même si c’est un facteur de risque vous pouvez le faire !

L’obésité, responsabilité sociale plutôt qu’individuelle

C :  le point positif de considérer l’obésité comme une maladie, c’est de déculpabiliser l’individu… parce qu’on remet encore la faute sur l’individu : « il faut maigrir Madame ! Vous êtes trop grosse, je ne peux pas vous examiner. ».

Mais si c’est une maladie, ça veut dire que la personne n’a pas choisi, n’est pas responsable ! 

Et ça, ce n’est toujours pas rentré dans la tête des gens…

L :  c’est comme pour l’ALD (affection longue durée) et le diabète.  Moi je suis diabétique, et ça a beau être une maladie on te fait quand même culpabiliser ! 

Mais si vraiment on me disait ok, ça devient une maladie, il y a une ALD … du coup on va déconstruire l’idée que c’est une responsabilité personnelle !

Mais je pense que ça marche plutôt dans l’autre sens. Déconstruisons l’idée générale que si tu manges de la salade, que tu pratiques du sport tous les jours on aura tous le même corps.  Il y aura quand même des gens gros, fin l’histoire ! Si on ne déconstruit pas ça, tu peux mettre une ALD ça ne changera pas le fait que les gens croient que c’est ta volonté.

Les causes de l’obésité

C : j’aimerais faire une parenthèse pour conclure sur les causes de l’obésité, qui sont multifactorielles. Il y a 10% de cause génétique. Ça veut dire que, quoi qu’elle fasse, sa génétique la rend en situation d’obésité. Ensuite il y a tout ce qui est hormonal

 D’ailleurs un livre du docteur Jason Fung, « Les lois de l’obésité » explique cette théorie de l’insuline. J’en ai fait un résumé ici.

Le lien est prouvé entre plus d’insuline = plus de poids. Moins d’insuline égal moins de poids, et c’est un lien de causalité démontré.

Alors que tout le reste : manger plus de calories ne fait pas grossir, de même que manger moins de calories ne fais pas maigrir. Faire plus d’activité physique ne fait pas maigrir ! Et pourtant, le gouvernement donne le slogan « manger bouger ». C’est faux, parce qu’être gros ne signifie pas manger trop et ne pas bouger assez. C’est beaucoup plus complexe que ça !

Il peut y avoir un problème de sommeil, de stress, des médicaments, des maladies

L : le SOPK, la maladie d’Hashimoto ça fait prendre du poids, ou stocker le poids différemment ! :  il y a des facteurs socio-économiques, culturels…

C : Plus les régimes qui détraquent le métabolisme !

Je fais un parallèle avec les TCA, qui sont considérés comme une maladie mentale.  Dans mon expérience, j’ai trouvé ça violent – comme si tu vas voir un psy on te dit que tu es fou- mais le point positif, c’est que ça m’a aidé à moins me déteste.

Parce que les compulsions alimentaires, il y a cette honte, cette culpabilité… On se pense nul de ne pas à maîtriser quelque chose qu’on devrait pas maîtriser, l’alimentation. Le le fait de se dire que c’est une maladie, il y a une part de soulagement.

Pour faire le lien avec l’obésité, c’est juste que si ça peut aider les personnes elles-mêmes à se dire « ok, je n’y suis pour rien, j’accepte, je relâche la pression ».

 Au début tu as dit quelque chose de fort « je suis comme ça, et j’ai admis que mon poids ne baisserait pas, et que stabiliser mon poids pour moi c’est le bon objectif ».

 Parfois c’est ça, voir la réalité telle qu’elle est. Ce n’est pas facile, mais arrêter de se flageller en se disant « je n’ai pas assez de volonté, je ne devrais pas être comme je suis ». Tu es comme tu es, arrête de lutter ! Et vois comment tu peux améliorer ta santé, ta condition … que ce soit santé physique ou santé mentale. 

La santé à tous les poids

L :  il y a une étude qui montrait une comparaison entre l’IMC et trois ou quatre facteurs de santé. Il y avait l’alimentation, le sommeil, les conduites à risque genre alcool, tabac. L’IMC n’avait aucune intervention, à part si tu fumes, que tu as des problèmes d’alcool ou que tu ne fais pas du tout d’activité physique, là l’IMC devient un problème. Mais tant que tu as une bonne hygiène de vie, tu limites le stress, un bon sommeil, une alimentation : ton IMC on s’en fout !

Je découvre le sport adapté, avec des profs qui ont des corps qui me ressemblent… je fais attention à mon sommeil, je vais en thérapie pour gérer mon stress, j’ai arrêté la cigarette etc. Mes facteurs de santé se sont améliorés ! Ma tension n’a jamais été aussi bonne, je n’ai pas de problème de cholestérol… mais mon poids n’a pas changé !

sport adapté pour personnes grosses
Le sport adapté pour prendre soin de sa santé – photo Pexels

C : voilà ! Concentrons-nous sur ce qui est dans notre pouvoir pour améliorer notre santé 

L : le plus important, c’est de dialoguer et de sortir des idées mainstream. Même si vous écoutez 45 épisodes de podcast, que vous voyez 25 comptes Instagram et vous vous dites « non, moi je crois que l’obésité est une maladie », ce n’est pas grave… mais faites-le en conscience ! En étant documenté, en essayant d’entendre des voix différentes.

Et puis surtout n’hésitez pas à vous entourer, à vous faire aider ! Il y a des associations, des super nutritionnistes non grossophobes sur Instagram. Consultez, discutez, parlez !

Ne restez pas seul avec vos inquiétudes sur ce sujet. Il ne faut jamais avoir peur d’en parler, ou d’employer les mauvais termes… au contraire, il faut sortir de la solitude autour de ça !

C’est dur d’être face à des médecins, c’est une condition qui nous fait beaucoup stresser.  Donc faites communauté ! Ça fait tellement du bien quand on échange avec des gens qui comprennent. Ensemble on peut faire bouger les choses !

Et pour conclure… Faites du yoga et écoutez des podcasts !

Vous pouvez également aimer :

8 commentaires

  1. Bonjour Claire,
    Bravo d’avoir réalisé cette interview, qui je pense, aidera beaucoup de personnes ! Le plus important c’est c’est de sentir bien, peu importe le regard des autres.

    1. Merci Détélina pour ton retour positif ! Oui, même si on ne peut pas se détacher 100% du regard des autres, je pense que si on déconstruit la grossophobie niveau individuel – et j’espère un jour niveau sociétal, cela enlèvera beaucoup de souffrance aux personnes grosses !

  2. Merci pour cet interview Claire. Comme tu le sais, je suis mitigée face à cette question de l’obésité, que je considère moi comme une maladie, quand j’aborde un patient. Cependant, je comprends parfaitement le ressenti de Lisa, son parcours et son témoignage est important pour faire évoluer les mentalités sur la grossophobie, du côté du soignant aussi bien sûr. Le vrai problème est à mon sens qu’on n’a pas de solution médicale pour cette épidémie d’obésité et que du coup, on (la société, les industriels, le corps médical non sensibilisé…) est tenté d’en faire porter la responsabilité aux patients. Je suis par contre surprise de son absence de prise en charge nutritionnelle par exemple. Le diabète est une des pathologies la plus souvent proposée dans les parcours d’ETP (Education Thérapeutique du Patient) avec des prises en charges multidisciplinaires. J’en ai un dans ma ville par exemple. Et pour l’IRM….il n’ y a pas que les obèses, j’ai eu des patients tellement cyphosés ou claustrophobes qui ne pouvaient pas faire l’examen, pendant longtemps ce n’était pas possible avec les pacemakers… Enfin, les APA vont bientôt être remboursés, c’est un métier neuf, en attendant Lisa peut tout à fait faire du sport adapté avec son kiné et ce sera pris en charge, sans doute en balnéothérapie aussi. Voilà je ne dis pas que tout est rose et parfait, mais tout n’est pas à jeter non plus, c’est un témoignage humain et sincère, que j’ai eu plaisir à entendre pour ouvrir mon état d’esprit.

    1. Merci beaucoup Muriel pour ton retour ouvert, bienveillant et constructif ! Tu donnes plein de pistes intéressantes dont je prends note pour mon sommet anti-grossophobie, cela pourra donner des idées 🙂 C’est sûr que tout n’est pas noir ou blanc, et si les personnes grosses rencontrent ce problème pour les IRM cela ne m’étonne pas que d’autres personnes aient des soucis aussi !

  3. Très intéressant ! Plus je lis des choses sur le corps médical et plus je doute de leur bienveillance et de leur « envie » de réellement soigner les gens et pas de remplir les poches de tel ou tel lobby. Ça me fait penser aux anti-dépresseurs qu’on te prescrit, sans même prendre le temps de te questionner ou de te faire questionner sur l’origine du problème. Le mieux à faire est, comme vous le dites si bien, de s’accepter, et surtout de prendre le temps de se renseigner par soi-même ! Merci pour cette interview !

    1. Merci beaucoup Marlène pour ton retour ! Bon, il ne faut pas généraliser sur le corps médical… pour se diriger vers ces professions, c’est qu’il y a l’envie de soigner ! Mais justement, peut-être le problème étant ça : soigner et pas guérir. Panser la plaie en superficie par un traitement, allez hop on soulage la douleur ou on coupe l’estomac… mais ils manquent aussi de temps pour se pencher sur le cas plus individuel, spécifique, causes, comment changer au global. Cela mériterait un article à part entière je pense !

  4. Bonjour Claire, merci pour cet article.
    J’ai la chance d’être en bonne santé et sans surpoids.
    Il est édifiant de voir comment les techniques du marketing sont mal utilisées pour conduire une personne avec quelques kilos en trop à devenir plus enveloppée.
    Le principal est de sentir bien dans son être
    Diane

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *